Après la création de l’euro, on a assisté à un mouvement massif de capitaux du centre de l’Europe (principalement l’Allemagne mais aussi les Pays-Bas) vers sa périphérie (en Espagne, en Grèce), entraînant une période d’expansion économique et des taux d’inflation nettement plus élevés en périphérie par rapport à l’Allemagne.
Étudions plus précisément les conséquences de ces phénomènes.
Lorsque les flux de capitaux privés du centre vers la périphérie se sont soudainement arrêtés, laissant les économies périphériques avec des prix et des coûts salariaux unitaires bien au-dessus de ceux du centre, la monnaie unique s’est soudainement heurtée à un problème d’ajustement.
L’héritage de ces augmentations de salaires en période de boom a eu des conséquences négatives, notamment sur le niveau de compétitivité des entreprises, en particulier ce qui rend nécessaire la baisse une nouvelle fois des salaires.
Par exemple, l’Islande a soudainement décidé de baisser les salaires d’environ 25 % par rapport au centre européen, via une chute de sa propre monnaie, la couronne.1 La « dévaluation interne » (restaurer la compétitivité par des réductions de salaires par opposition à une dévaluation) s’est avérée extrêmement difficile.
Le Tableau 5.5 présente les coûts horaires de la main-d’œuvre dans le secteur privé de plusieurs économies périphériques de la zone euro qui se caractérisent par des marchés du travail très flexibles. Malgré un chômage très élevé, une faible réduction de leurs coûts horaires de la main-d’œuvre est observée.
Ce n’est pas seulement qu’une union monétaire est soumise à une politique monétaire unique, mais la perte d’un mécanisme d’ajustement est encore plus préjudiciable. Les inconvénients d’une monnaie unique proviennent de la perte de flexibilité.2
De manière générale, nous savons maintenant que les objectifs de convergence économique entre les pays membres de la zone euro ne permettent pas de lutter de manière efficace contre tous les chocs asymétriques.
Pourquoi ? Les États ne peuvent plus utiliser l’instrument de la politique monétaire pour répondre à un choc asymétrique et ils sont encadrés sur le plan budgétaire par des règles précises indiquées dans les traités. En plus, il est important de souligner que, en cas de chocs asymétriques, il est impossible dans la zone euro d’utiliser comme solution la mobilité des facteurs de production, car elle est trop faible au sein de l’Union européenne, ni le taux de change pour procéder à des dévaluations nationales. Autrement dit, les quatre instruments possibles pour contrer tout choc asymétrique, à savoir la politique monétaire, la politique budgétaire, le taux de change ou la mobilité des facteurs de production, sont inefficaces dans la zone euro avec une monnaie unique.
Par conséquent, la politique monétaire menée par la BCE ne peut pas adapter ses taux d’intérêt à un pays qui subit un choc asymétrique. Comme les États membres de la zone euro ne peuvent pas agir sur la conjoncture, ils doivent réduire leur demande domestique, ce qui accentue leurs difficultés économiques. C’est ce que nous allons voir dans le dernier questionnement, à savoir les difficultés de mise en place d’un policy mix efficace.
1. Ces méthodes qui ont sorti l’Islande de la crise.
2. Krugman, P., 2013. Revenge of the optimum currency area. NBER Macroeconomics Annual, 27(1), pp.439–448.
Grande Dépression : La période de forte baisse de la production et de l’emploi dans beaucoup de pays dans les années 1930.
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